Je n'ai jamais su ce qui la faisait souffrir. Pas faute d'avoir essayé. Aujourd'hui, j'ai laissé tomber, je m'ajuste à ses pas.
Je suis le deuxième de ses 6 enfants, nés de 1952 à 1962. Jeunes, nous avions conscience que parfois elle disparaissait, et nous en même temps qu'elle, qui chez une tante, qui chez les grands-parents ou chez des étrangers. Puis nous revenions, en famille, dans ce milieu qui n'était jamais simple.
Très jeunes, on nous disait que maman était allée se reposer, avait fait une retraite, avait fait ses valises jusqu'au jour où nous avons appris qu'elle avait reçu des électrochocs et qu'on avait provoqué chez elle un coma à l'aide de ce qu'on appelait des chocs à l'insuline.
L'explication reçue était qu'elle portait trop de mauvais souvenirs et que ces chocs devaient l'en débarrasser. Vous imaginez bien que l'effet obtenu ne fut pas du tout l'effet recherché.
Aujourd'hui, à 87 ans, elle porte encore cette tristesse qui a fait dire, alors que j'étais présent, au médecin de la résidence qui ne la connaissait pas, qu'elle avait un fonds dépressif très important, et ma mère de s'écrier tout étonnée: Moi??? Des fois, même dans la misère secrète de ses humeurs, elle me fait rire et, espiègle, elle se joint à moi.